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L’énigmatique Meresânkh

Une grande lignée

Les noms de Khéops, de Khéphren et de Mykérinos sont demeurés célèbres, grâce à leurs trois pyramides érigées sur le plateau de Guizeh. Prodigieuse quatrième dynastie (vers 2613-2498 av. J.-C.) qui vit naître ces géants de pierre, véritables centrales d’énergie spirituelle, rayons de lumière pétrifiés qui permettaient à l’âme royale de monter au ciel pour se joindre aux divinités et guider les humains sous la forme d’une étoile.

Les bas-reliefs des tombeaux de cette époque nous montrent une Égypte prospère, qui fonde sa richesse sur une administration rigoureuse et efficace, une agriculture diversifiée, un élevage développé et un artisanat d’une qualité exceptionnelle.

Parmi les hautes personnalités de la cour, trois femmes qui portent le même nom, Meresânkh, et semblent former une lignée. Deux traductions possibles pour ce nom remarquable ; soit « Elle aime la vie », soit « la Vivante (une déesse, probablement Hathor) l’aime[16] ». Quelle que soit la solution, la mise en rapport direct d’une lignée féminine avec le concept essentiel de « vie » souligne, une fois de plus, le rôle prééminent de la femme dans la civilisation de l’Égypte ancienne.

Sur la première Meresânkh, nous ne savons rien ; peut-être fut-elle la mère du pharaon Snéfrou, fondateur de la quatrième dynastie et bâtisseur de deux pyramides colossales sur le site de Dahchour. La deuxième Meresânkh semble avoir été la fille de Khéops. La troisième nous réserve une superbe surprise.

Dix femmes pour une demeure d’éternité

Dans l’une des « rues de tombeaux » du plateau de Guizeh, à l’est de la pyramide de Khéops, s’ouvre la porte étroite d’une belle et grande demeure d’éternité creusée dans le roc pour Meresânkh III[17]. Elle fut préparée pour elle par une reine nommée Hétep-Hérès, comme la mère de Khéops, mais qu’il ne faut pas confondre avec elle ; on s’aperçoit, au passage, de la difficulté insurmontable que l’on rencontre pour établir des généalogies égyptiennes ! Cette Hétep-Hérès II était la fille de Khéops, portait donc le nom de sa mère, et vouait une grande affection à sa fille Meresânkh, troisième du nom, et sans doute épouse du roi Khéphren.

En entrant dans la tombe de cette troisième Meresânkh, un choc ! Une vision unique, un ensemble sculpté qui, à notre connaissance, n’existe que dans cette demeure d’éternité. Jaillissant de la pierre, une confrérie formée de dix femmes debout, d’âges divers, depuis l’adolescente jusqu’à la femme mûre[18].

Lorsqu’on pénètre pour la première fois dans ce lieu envoûtant, on a l’impression que ces femmes sont vivantes, que leurs yeux nous contemplent, qu’elles continuent à prononcer les phrases rituelles indispensables à la bonne marche du monde. Et au fur à mesure des séjours dans cet endroit d’une rare puissance, l’impression se confirme. Intimement liées à la roche, ces statues ont bien été animées de manière magique et contiennent toujours le ka, la puissance immortelle qui en a fait des êtres de lumière.

Comme Meresânkh avait accès à « la demeure de l’acacia », on peut supposer qu’elle est représentée en compagnie des « sœurs » de la confrérie, et que la transmission s’effectue de la plus ancienne à la plus jeune, en passant par les stades intermédiaires. Est d’ailleurs révélé le geste de l’accolade entre deux femmes, dont l’une est plus âgée ; elle passe son bras gauche autour des épaules de sa disciple qui, du bras, entoure la taille de son initiatrice.

De ce groupe de dix femmes à jamais unies par les liens d’une même expérience d’éternité se dégage un profond sentiment de communion ; en les contemplant, dans le silence de cette chapelle, on perçoit la véritable dimension des Égyptiennes.

La « mère », Hétep-Hérès, est également représentée avec sa « fille », Meresânkh, lors de divers épisodes rituels au cours desquels l’ancienne enseigne sa sagesse à la jeune ; ainsi, les deux femmes explorent les marais en barque pour y cueillir des fleurs de lotus. Non seulement se vouent-elles au culte des divinités, mais encore préservent-elles le parfum de la première aurore, lorsque la vie naquit de la lumière. Pendant cette promenade en barque, la mère révèle à la fille le secret du lotus sur lequel se déploya la création.

Meresânkh, gardienne des écrits sacrés

Parmi les personnages présents dans la tombe figurent des scribes. Or, Meresânkh porte un titre remarquable : prêtresse du dieu Thot, créateur de la langue sacrée et maître des « paroles de dieu », à savoir les hiéroglyphes. Elle est donc mise directement en rapport avec le dieu de la connaissance. Ce sera d’ailleurs le cas de plusieurs reines d’Égypte, comme Bentanta que l’on voit conduite par Thot vers l’autre monde, dans une scène de sa tombe (n°71) de la Vallée des Reines.

Le détail est d’importance, car il prouve que Meresânkh avait accès à la science sacrée et aux archives des temples que l’on appelait « la manifestation de la lumière divine (baou Râ) ». C’est d’ailleurs une déesse, Séchat, qui est la souveraine de la Maison de Vie où l’on composait les rituels et où les pharaons étaient initiés aux secrets de leur fonction. Gardienne des bibliothèques et des textes fondamentaux, elle manie à la perfection le pinceau, qu’elle utilise à la fois pour écrire les paroles de vie et exercer l’art raffiné du maquillage. Vêtue d’une peau de panthère, la tête couronnée d’une étoile à sept branches (parfois à cinq ou à neuf), c’est Séchat qui rédige les Annales royales et inscrit les noms du pharaon sur les feuilles de l’arbre sacré d’Héliopolis. C’est de cette déesse détentrice des secrets de construction du temple qu’elle partage avec le roi que dépend le secrétariat du palais[19]. Dans le temple de Séthi Ier, à Abydos, Séchat, « préposée aux archives des rouleaux divins », écrit le destin du pharaon et dit : Ma main écrit sa longue durée de vie, à savoir ce qui sort de la bouche de la lumière divine (Râ) ; mon pinceau trace l’éternité, mon encre le temps, mon encrier les innombrables fêtes de régénération.

Meresânkh, initiée aux mystères de Thot et à la connaissance des écrits rituels, fut instruite dans toute la science sacrée de l’Ancien Empire ; plus de trois millénaires après sa disparition, il nous est possible de la rencontrer, en compagnie de sa « mère » et de ses « sœurs », dans l’une des plus surprenantes tombes de Guizeh. Mystérieuse et fascinante Meresânkh, qui nous a permis de découvrir que l’univers de la connaissance était totalement ouvert à la femme d’Égypte.

 

Les égyptiennes
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